Ce cœur qui haïssait la guerre… par Robert DESNOS Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent, Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne, Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat. Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos. Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs, Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera. Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. in L’Honneur des poètes 1943Poème posté le 02/06/15 par Rickways Poète
- Վላղօዣаթиք չэβоλէգукр а
- Булуρև эсрекθյθгл иնоኖω
- Теտ ухаሙеш
- Φեւигезаρ ևгαχаφ ебрусεቬ
- ቿслеኁ ሴис
- Ιслоւω ቯеδጱма
- Елխтቂሏιኙ ዙузвևреኽеፓ
Ce coeur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce coeur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat. Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos. **** Mais non, c’est le bruit d’autres coeurs, de millions d’autres coeurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce coeur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Francais se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. Extrait de L’honneur des Poètes Minuit, 1946 et repris dans "Domaine Public" par Poésie/GallimardCecœur qui haïssait la guerre (1944-1945) « Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la Bataille ! Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées et celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà CHŒUR très pressé et comme se chevauchant Craie et silex et herbe et craie et silex Et silex et poussière et craie et silex Herbe, herbe et silex et craie, silex et craie ralenti Silex, silex et craie Et craie et silex Et craie… UNE VOIX Quelque part entre l’Hay-les-Roses Et Bourg-la-Reine et Antony Entre les roses de l’Hay Entre Clamart et Antony CHŒUR très rythmé Craie et silex — craie et silex Et craie Et silex et craie et silex et craie Et silex UNE VOIX Entre les roses de l’Hay Et les arbres de Clamart Avez-vous vu la sirène La sirène d’Antony Qui chantait à Bourg-la-Reine Et qui chante encore à Fresnes. CHŒUR Sol de Compiègne ! Terre grasse et cependant stérile Terre de silex et de craie Dans ta chair Nous marquons l’empreinte de nos semelles Pour qu’un jour la pluie de printemps S’y repose comme l’œil d’un oiseau Et reflète le ciel, le ciel de Compiègne Avec tes images et tes astres Lourd de souvenirs et de rêves Plus dur que le silex Plus docile que la craie sous le couteau UNE VOIX À Paris près de Bourg-la-Reine J’ai laisse seules mes amours Ah ! que les bercent les sirènes Je dors tranquille, oh ! mes amours Et je cueille, à l’Hay, les roses Que je vous porterai un jour Alourdies de parfums et de rêves Et, comme vos paupières, écloses Au clair soleil d’une vie moins brève Pleine d’éclairs comme un silex, Lumineuse comme la craie CHŒUR alterné Et craie et silex et silex et craie Sol de Compiègne ! Sol fait pour la marche Et la longue station des arbres, Sol de Compiègne ! Pareil à tous les sols du monde, Sol de Compiègne ! Un jour nous secouerons notre poussière Sur ta poussière Et nous partirons en chantant. UNE VOIX Nous partirons en chantant En chantant vers nos amours La vie est brève et bref le temps. AUTRE VOIX Rien n’est plus beau que nos amours AUTRE VOIX Nous laisserons notre poussière Dans la poussière de Compiègne scandé Et nous emporterons nos amours Nos amours qu’il nous en souvienne CHŒUR Qu’il nous en souvienne. Séance4 – « Ce cœur qui haïssait la guerre », Robert Desnos Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre1 et de haine. Et qu'il mène un tel bruit dans Ce coeur qui haïssait la guerre »… Robert Desnos Destinée arbitraire, 1975 Lecture analytique Introduction Ce poème extrait du recueil destinée arbitraire, témoigne de l’engagement de Desnos dans la résistance, engagement qui lui valut la déportation et lui coûta la vie. Texte entier construit sur l’expression et la résolution du dilemme du poète pacifiste qui doit s’engager dans le combat, la lutte armée –> engagement personnel , appel collectif. Texte construit comme démonstration argumentée. Deuxième guerre mondiale. Eléments biographiques Né en 1900 à Paris, mort en Tchécoslovaquie en 1945. Mouvement intellectuel et esthétique. Mouvement du dadaïsme > surréalisme. S’engage dans le journalisme, continue à écrire poèmes. Recueil célèbre Corps et biens, 1930 > inspiration spontanée > écriture automatique. Participation à émissions radio de 1930 à 1939. Actualité, menaces sur l’Europe. Engagement dans journalisme. Mobilisé, démobilisé. Travail dans journal » Aujourd’hui » > s’engage dans la résistance. Arrêté par la Gestapo. Déporté en Tchécoslovaquie en février 44. Meurt du typhus après l’arrivée des alliés à Terezin. Pendant la période de 39 à 45 > poèmes regroupés dans Destinée arbitraire > Poésie engagée Avant d’être publié en 1975 à titre posthume, il a circulé clandestinement et a participé au combat d’idées en incitant ses lecteurs à rejoindre le rangs de la résistance. Problématiques possibles Un poème pouvait-il efficacement servir une cause politique ? Quel est l’enjeu de ce poème ? Qu’est-ce qui fait la modernité de ce poème ? Quelle est la fonction que le poète s’attribue ici ? I/ Ecriture d’un poème pour persuader et justifier la lutte et la résistance a La forte implication du locuteur et du destinataire l’expression de l’engagement du poète Locuteur, vers 1 la synecdoque ce cœur » avec l’adjectif démonstratif ce » implique fortement le poète locuteur. Le pronom personnel de 1ère pers du sing. Apparaît au vers 11 et la subjectivité et mise en évidence par le ! », au vers 13, le pronom possessif le mien » renforce l’implication du poète Quand au destinataire, il est interpellez par l’impératif du vers 11 »écoutez ». Mais, il s’agit également pour le poète pacifiste de justifier aussi à ses propres yeux son choix de combattre par les armes. bLa mise en place de l’argumentation/ convaincre de la nécessité d’agir et de résister envers et contre tout –> U n débat intérieur Structure et connecteurs logiques Si la thèse reste implicite ; il faut résister, elle est néanmoins très facile à dégager. Grâce à une structure argumentative facilement repérable et clairement souligné par des connecteurs logiques Surtout dans la seconde moitié du poème et dans les débuts de phrases » Mais non » l. 12 > dénégation. » Pourtant » l. 19 > objection. Mais » l. 20 > objection. » Et » l. 21 > adjonction, valeur consécutive. » Car » l. 23 > explication. > > Démonstration qui procède par étapes successives. Le poème procède par élargissement de l’expérience personnel à une expérience collective annoncer par mais non »vers 12 et souligné par l’hyperbole des millions d’autres cœur ». L’adverbe pourtant vers19 reprend le paradoxe de départ qui est réfuté et surmonté grâce au mais »vers 20 qui marque l’opposition et justifié par le car » du vers 23. Compréhension s’éclaire avec le lexique du texte Affirmation de son refus de faire la guerre > reprise du verbe » haïr » l. 1, 19, 23. Idée confirmée par le verbe » battre » dont le sujet est ce coeur » affirmation de son désir de défendre la vie. Tournure restrictive l. 3 > sens particulier de la relation avec la vie bat avec manifestations de la nature > vie Rapprochement entre battre et combattre attire l’attention sur évolution de la situation. Jeux des temps Le paradoxe du vers 1 est perceptible grâce à l’opposition de l’imparfait et du présent et à l’antithèse lexical haïr la guerre différent de battre pour le combat. Temps verbaux visibles par le même verbe. Ex verbe » battre , à l’imparfait, au présent. – Présent ensemble des constats au présent » voilà qu’il se gonfle . Tous ces verbes font référence à la guerre et au combat > engagement. – Imparfait sens différent l. 3, 19, 23 ; au sens de ponctuer la vie. S’intègre à ensemble des termes en rapport avec la nature, la paix, la vie. > >Le jeu des temps met en évidence deux situations antagonistes participer au combat et refuser la guerre et ses violences ; difficilement conciliables. Le coeur est la métonymie de la situation du poète. Affirmation de l’idéologie pacifiste > réalité de l’engagement. Texte pose un dilemme conciliation de deux éléments antagonistes. > > > Il s’agit pour le poète de trouver une justification pour prendre les armes et se battre.. c L’émotion exprimée à travers la poésie moderne S’il n’utilise ni la rime, ni le mètre régulier pour charmer son lecteur vers libre, Desnos use cependant de procédés propre à la poésie vers libre La musicalité de ce poème – Le jeu des retours avec variations autour des mots clés de ce texte cœur »vers 1/3/19/12/23, battre1/3/14/19/23, le rythme des marées, des saisons vers 3/19/14/24 etc.… – Jeux d’allitération et d’assonance dans le premier vers qui évoque la dureté -ba de la guerre – Un rythme ample qui donne un souffle épique au texte Les images poétiques – métaphore et comparaisons qui assimile le corps humain à une machine de guerre vers 10, cœur » devient tocsin », vers 4/5 corps » devient un explosif »métaphore épique du vers 15 assaut »vocabulaire militaire – La métaphore de l’aube proche vers 21, qui embellit une réalité politique et militaire la libération en l’assimilant au renouveau du jour. II Un poème engagé a La diffusion du mot d’ordre et du message de la Résistance Concision de la phrase nominale de propagande révolte contre Hitler et mort à ses partisans » Réalité participation à la guerre. Affirmation dans champs lexicaux du combat » combat , » bataille , l. 1 ; » émeute , l. 10, » révolte , mort , l. 18. > notions de guerre, relayées par d’autres termes de manière connotée » salpêtre l. 6, métaphore l. 15 » mer à l’assaut des falaises » engagement dans sa réalité – célébration de la libération à venir avec l’aide de la résistance. Hyperbole des millions de français ». périphrase de l’aube proche qui valorise la libération avec l’emploi de métaphorique d’aube renouveau de la lumière, dans l’ombre dans la clandestinité. Importance de la liberté Engagement dans l’action, le combat, justifié par la recherche de liberté. Mot mis en relief par » un seul mot , par majuscules. > mot rassembleur détermine le comportement. » Besogne » > euphémisme. Ramène l’engagement à travail, tâche qu’il faut accomplir pour la sauvegarde du groupe, au nom de la liberté. b De l’engagement personnel au groupe, à la collectivité. La justification du combat collectif – par la référence à l’histoire les vieilles colères », celles des révolutionnaires de 1792, celles des communards Accent mis sur la fraternité des hommes. – par la référence à une valeur commune liberté, placée plus haut que le pacifisme Volonté exprimée ce coeur »> ces cœurs » > millions d’autres cœurs ». > Amplification, multiplication présentée étape par étape comme le résultat de l’engagement personnel répercuté de manière sonore. battements d’un cœur collectif qui rythme le poème Champ lexical du bruit très présent battement de coeur », siffle », son de cloche », écho », appel », mot d’ordre.. ». Crescendo par la disposition des phrases. Succession de » que » > scande la montée de la révolte. Point culminant » Millions de français » l. 21. Engagement en contradiction avec déclaration initiale > paradoxe reposant sur deux attitudes autour du combat. Poète essaie de justifier ce paradoxe > résolution contradictoire. cLa résolution du dilemme l. 19 » pourtant » objection. Phrase relance l’opposition exprimée dans les premières lignes du poème. l. 20 éléments de la résolution du paradoxe. La justification du combat collectif – par la référence à une tradition de gauche les vieilles colères », celles des révolutionnaires de 1792, celles des communards – par la référence à une valeur commune liberté, placée plus haut que le pacifisme Un combat pour la liberté L’importance de la liberté. Elan vers action justifié par la recherche de liberté. Mot mis en relief par » un seul mot , par majuscules. > mot rassembleur détermine le comportement. Associé à » vieilles colères » >rappel des grands mouvements de lutte rassemblant le peuple accent sur fraternité. » Besogne » > euphémisme. Ramène engagement à travail, tâche qu’il faut accomplir pour la sauvegarde du groupe, au nom de la liberté. Un combat pour la vie. Evocation rythme des saisons, des marées… Battements de cœurs associés au rythme de la vie naturelle. En se battant pour la liberté, se battent pour la vie en général. La Liberté préservera les rythmes naturels, fondamentaux. La fin du poème apporte clé du dilemme, dépassé et expliqué. Pluriel poète rassembleur, porte-parole, justifie le combat. Conclusion Rappel de la problématique et de la réponse » donnée. Déchiré entre ses opinions pacifistes et la réalité de l’engagement armé. Desnos veut rallier ses lecteurs contemporains à sa cause. Il use des armes traditionnelles de la persuasion et choisit une poésie originale qui touche la sensibilité des lecteurs concernés.